Rapport de l'ASN 2023

EDF a mené de nombreux travaux afin d’approfondir sa connaissance de ces matériaux, de leur cinétique de vieillissement et d’évaluation des marges vis‑à‑vis du risque de rupture brutale. Les zones en alliage à base de nickel Plusieurs parties des REP sont fabriquées en alliages à base de nickel, en raison de leur résistance à la corrosion généralisée ou par piqûre. Cependant, dans les conditions de fonctionnement des réacteurs, l’un des alliages retenus, l’Inconel 600, s’est révélé sensible au phénomène de corrosion sous contrainte (CSC). Ce phénomène particulier se produit en présence de contraintes mécaniques importantes. Il peut conduire à l’apparition de fissures, comme observé sur certains tubes de GV au début des années 1980 ou, plus récemment en 2011, sur une pénétration de fond de cuve du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Gravelines et, en 2016, sur une pénétration de fond de cuve du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom. Ces fissures ont conduit EDF à réparer les zones concernées ou à isoler la partie concernée du circuit. À la demande de l’ASN, EDF a adopté une approche globale de surveillance et de maintenance pour les zones concernées. Plusieurs zones du circuit primaire en alliage Inconel 600 font ainsi l’objet d’un contrôle particulier. Pour chacune d’elles, le programme de surveillance, défini et mis à jour annuellement par EDF, est examiné par l’ASN qui vérifie que les performances et la fréquence des contrôles mis en place sont satisfaisantes pour détecter les dégradations redoutées. Les générateurs de vapeur Les GV sont composés de deux parties, l’une appartenant au circuit primaire et l’autre au circuit secondaire. L’intégrité des principaux éléments constitutifs des GV est surveillée, tout particulièrement celle des tubes qui constituent le faisceau tubulaire. En effet, une dégradation du faisceau tubulaire (corrosion, usure, fissure, etc.) peut créer une fuite du circuit primaire vers le circuit secondaire. La rupture de l’un des tubes du faisceau conduirait à contourner l’enceinte de confinement du réacteur, qui constitue la troisième barrière de confinement. Les GV font donc l’objet d’un programme spécifique de surveillance en exploitation, établi par EDF, révisé périodiquement et examiné par l’ASN. À la suite des contrôles, les tubes présentant des dégradations trop importantes sont bouchés pour être mis hors service. Les GV ont tendance à s’encrasser au cours du temps en raison des produits de corrosion issus des échangeurs du circuit secondaire. Sur les tubes, la couche de dépôt de produits de corrosion (encrassement) diminue l’échange thermique. Au niveau des plaques entretoises, les dépôts empêchent la libre circulation du mélange eau‑vapeur (colmatage), ce qui crée un risque d’endommagement des tubes et des structures internes et peut dégrader le fonctionnement global du GV. Pour minimiser cet encrassement, diverses solutions peuvent être mises en œuvre pour limiter les dépôts métalliques : nettoyages chimiques préventifs ou nettoyages mécaniques curatifs (lançages à l’aide de jets hydrauliques), remplacement du matériau (laiton par acier inoxydable ou alliage de titane, plus résistants à la corrosion) de certains faisceaux tubulaires d’échangeurs du circuit secondaire, modification des produits chimiques de conditionnement des circuits et augmentation du pH du circuit secondaire. Certaines de ces opérations nécessitent l’obtention d’une autorisation car elles impliquent des rejets de certains produits mis en œuvre. L’anomalie de ségrégation du carbone de la cuve du réacteur EPR de Flamanville a permis de mettre en évidence en 2016 que des fonds primaires de GV équipant 17 réacteurs d’EDF étaient également concernés par la problématique. Ces fonds primaires ont été fabriqués par l’usine Creusot Forge et Japan Casting and Forging Corporation (JCFC). À la suite de cette découverte, EDF a mené des contrôles non destructifs sur les fonds primaires concernés, notamment ceux prescrits par l’ASN le 18 octobre 2016. Ces contrôles ont été achevés début 2017. Ils ont permis de justifier le maintien en fonctionnement des réacteurs concernés. En complément, un vaste programme d’essais a été mené entre 2017 et 2021 sur des fonds primaires représentatifs des composants exploités sur les réacteurs français, afin de confirmer les hypothèses de calcul. L’ASN a réuni le Groupe permanent d’experts pour les ESPN (GPESPN) le 17 novembre 2023 pour se prononcer sur les conclusions d’EDF, les résultats des analyses thermohydrauliques, chimiques et métallurgiques et les essais mécaniques réalisés. Ces éléments permettent de considérer que les propriétés mécaniques de l’acier ne sont pas affectées par la ségrégation du carbone des fonds fabriqués par JCFC. Pour ce qui concerne les fonds fabriqués par l’usine Creusot Forge, les hypothèses de réduction des propriétés mécaniques retenues par EDF pour tenir compte de la présence de ségrégation ont été jugées suffisamment pénalisantes. Ces calculs ont permis de confirmer l’aptitude au service de ces fonds. ANOMALIES LIÉES AUX SÉGRÉGATIONS DU CARBONE DANS CERTAINS FONDS PRIMAIRES DE GÉNÉRATEURS DE VAPEUR Le risque de rupture brutale de la cuve d’un réacteur découle de la présence conjointe de trois facteurs: la présence d’un défaut (comme une fissure), une sollicitation thermomécanique et une résistance mécanique du matériau insuffisante. L’analyse du risque de rupture brutale des cuves des réacteurs comporte donc les étapes suivantes: • la détermination des dimensions des défauts à étudier; • l’évaluation des caractéristiques du matériau en prenant en compte la fragilisation de l’acier sous l’effet de l’irradiation ; • l’évaluation des chargements susceptibles d’amorcer le défaut, dans toutes les situations de fonctionnement du réacteur (normal ou accidentel). La démarche d’analyse du risque de rupture brutale consiste en la comparaison de la sollicitation en pointe de défaut avec la résistance mécanique du matériau irradié. Des coefficients de sécurité sont pris en compte à cette étape. Cette démarche est appliquée en considérant à la fois les défauts existants détectés et un défaut hypothétique, correspondant à la plus grande fissure non détectable par les essais non destructifs réalisés et positionné à l’endroit où le matériau est le plus fragilisé par l’irradiation. LES PRINCIPES DE LA DÉMONSTRATION DE LA RÉSISTANCE EN SERVICE DES CUVES 300 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 10 • Les centrales nucléaires d’EDF

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