Contrôle n°201
CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 62 Contrôle : comment la RATP aborde-t-elle la gestion d’une crue centennale de la Seine ? Mathieu Voisin : avec son important réseau souterrain, la RATP est particulièrement exposée aux montées du niveau de la Seine. La crue de la Vltava à Prague en 2002, qui avait entraîné la fermeture du métro pendant plus de six mois, a été un déclencheur pour nous. Nous avons ainsi été un des premiers opérateurs à prendre conscience du risque inondation à Paris. En nous référant à la crue centennale de la Seine de 1910, nous avons analysé la vulnérabilité du réseau : sans la pose de protection, 140 km de lignes souterraines seraient inondées sur les 322 km du réseau, 126 stations et cinq gares seraient touchées, les remises en état dureraient plusieurs mois voire plusieurs années, et le coût des dégâts pourrait s’élever à plu- sieurs milliards d’euros. Sur ces bases, un Plan de protection contre le risque inondation a été élaboré et validé par le préfet de région. Comment protéger le réseau ? Comment organiser la chaîne logistique de mise en œuvre des protections ? Comment reprendre l’acti- vité après la décrue ? Ce plan dicte les grands principes de maintien d’un service le plus élevé possible. Il prévoit la pose d’ouvrages maçonnés ou de batardeaux aluminium sur plus de 400 points d’en- trées, sept zones de stockage du matériel temporaires ainsi que la mise en action de 31 camions semi-remorques. Il intègre également un vivier d’environ 800 agents de maintenance formés régulièrement pour être opérationnels dans le montage des protections. Vous avez participé à l’exercice EU Sequana 2016. Qu’en attendiez-vous? Dès que nous avons été informés du projet, nous avons souhaité nous impliquer forte- ment dans le dispositif. Nous avons tra- vaillé dès 2015 avec la préfecture de police pour construire le scénario. Notre objectif était de nous assurer du fonctionnement optimal de nos procédures, de tester les types de protection et de resensibiliser nos agents aux risques inondation. Comment avez-vous concrètement pratiqué l’exercice ? Nous avons joué le scénario pendant trois jours en phase de crue et deux jours en phase de décrue. La Maison de la RATP pouvant être touchée par la montée des eaux, nous avons mis en place une cel- lule de crise délocalisée rassemblant l’ensemble des acteurs internes concer- nés (exploitation, maintenance…). Du 9 au 14 mars, nous avons protégé cinq sites (les stations Invalides, Pont-Marie, Sully-Morland, Bercy et le bâtiment du siège) avec l’édification de murs en par- paings et de batardeaux aluminium, afin d’éviter d’éventuelles infiltrations d’eau depuis la voie publique. En complément, nous avons introduit des imprévus dans le scénario : par exemple, la diffusion via les médias d’une fausse information sur la fermeture de toutes les lignes afin de voir notre réactivité dans le démenti. En phase de décrue, notre mode de fonction- nement a été axé autour de groupes de travail pour analyser le retour à la nor- male de l’activité : évaluation des dégâts, inspection des équipements. Enfin, du 8 au 16 mars, la RATP a présenté dans la gare RER d’Auber une exposition Histoire d’eaux sur la crue de la Seine. Quel bilan en avez-vous tiré ? Le bilan est satisfaisant. Nous avons apprécié la relation avec la Zone de défense et de sécurité de Paris qui nous donnait les bonnes informations au bon moment. Nous avons également établi une bonne coordination avec d’autres opéra- teurs comme la SNCF, la mairie de Paris, et Enedis, qui fournit une partie de notre énergie. La qualité de ces rapproche- ments est très importante pour assurer une bonne protection du réseau de trans- port notamment du fait des connexions du réseau RATP avec des tiers (parkings, gares SNCF…). Cette communication s’est révélée moins directe avec d’autres acteurs comme le Forum des Halles, un point que nous souhaitons améliorer. Par ailleurs, EU Sequana 2016 a été riche d’enseignement en interne. Certains départements opérationnels sont plus matures que d’autres dans la gestion de la crise. L’ exercice nous a permis de reca- drer certains modes d’organisation. Quel a été l’impact de la crue de juin 2016 pour la RATP ? Le 3 juin, la Seine a atteint son plus haut niveau depuis 1982 avec 6 m à l’échelle d’Austerlitz et une prévision de dépasse- ment des 6,50 m. Un problème de capteur a faussé les mesures et la hauteur annon- cée subitement par le Service de prévision pour la prévision des crues du ministère de l’Environnement a perturbé l’ensemble des acteurs de la région. Nous étions, en effet, à deux doigts de déclencher l’instal- lation des premières protections quand le pic de crue a été atteint. Aucune fermeture de ligne n’a donc eu lieu hormis celle des stations Cluny-La Sorbonne (ligne 4) et Saint-Michel (RER B), du fait de la fer- meture de la ligne C du RER décidée par la SNCF. L’ avantage : EU Sequana 2016 était bien présent dans les têtes des agents et les procédures se sont bien enclenchées. La communication faite par la RATP dans son ensemble, et notamment vis-à-vis de ses voyageurs, a été un élément impor- tant. Elle a été bien maîtrisée. Et aujourd’hui, quelles sont vos perspectives ? À la suite de l’exercice et de la crue de juin 2016, nous avons affiné notre plan de continuité d’activité. Tout repose sur une bonne interaction entre prévision, organisation, coordination et communi- cation. Nous poursuivons nos échanges dans ce sens avec les acteurs impliqués dans Paris et la région Ile-de-France en vue d’améliorer nos procédures respec- tives et la résilience globale de la région, c’est-à-dire notre capacité à retrouver nos capacités initiales. Il faut en permanence tester nos procédures et sensibiliser nos agents au risque Mathieu Voisin, chargé de mission auprès du directeur général adjoint transport et maintenance à la RATP © BRUNO MARGUERITE RATP RETOUR D’EXPÉRIENCE Les exercices de crise
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