101 Le tritium dans l’environnement Les données relatives aux produits d’origine animale du milieu terrestre sont peu nombreuses et ce sont surtout des modèles physiologiques sur le comportement du tritium dans les animaux en vue d’estimer les concentrations dans les productions (laits, viandes…) qui ont fait l’objet de publications. Dans les échantillons de produits d’origine animale mesurés en France en milieu terrestre, on ne note pas de valeurs particulièrement élevées. Les facteurs de transfert évalués récemment sont toujours inférieurs à l’unité, ce qui va dans le sens d’une absence de bioaccumulation du tritium dans les denrées d’origine animale. Enmilieu aquatiquemarin et continental, s’il est acquis que le transfert d’eau tritiée aux organismes aquatiques conduit très rapidement à un équilibre entre HTO du milieu d’exposition et tritium libre des tissus biologiques, les échangesmettant en jeudes formes organiques du tritium sont moins bien connus. Plus particulièrement chez les poissons marins ou d’eau douce qui représentent le compartiment vivant chez lesquels il existe le plus de données in situ, mais aussi chez des invertébrés marins, des facteurs de concentration OBT organisme /HTO eau supérieurs à 1 ont été relevés en diverses situations par des auteurs (cas de la baie de Cardiff), en rapport avec l’origine et la forme physico-chimique du tritium incorporé (incorporation par voie alimentaire de molécules organiques tritiées). La description théorique des processus d’assimilation et d’excrétion des composés organiques du tritium ne peut être envisagée que dans la mesure où la nature et la spéciation physico-chimique de ces composés, une fois le tritium rejeté dans l’environnement aquatique, sont connues. Demanièregénérale,l’observationdefacteursdeconcentrationsupérieurs à 1 doit inciter à approfondir les études afin de mieux comprendre les mécanismes de transfert et de spéciation du tritium et ne doivent pas être assimilés à un facteur de bioaccumulation. Dans le domaine de la modélisation, alors que les données nécessaires pour l’évaluation des transferts en milieu terrestre sont suffisantes, la modélisation du transfert du tritium au sein des hydrosystèmes continentaux est encore incomplète. Pour les processus physiques, ce sont les mécanismes de transport/diffusion/dispersion qui sont principalement pris en compte, et ce pour la forme HTO dans la colonne d’eau. Les interactions aux interfaces (air et sédiment) ainsi que la conversion HTO↔OBT sont généralement ignorés à ce jour, sans que leur importance soit véritablement connue. Concernant le transfert du tritium aux organismes, la plupart des modèles disponibles reposent sur une approche d’équilibre isotopique, pour laquelle il a été prouvé qu’elle était généralement satisfaisante pour le tritium libre des tissus. La modélisation des concentrations en OBT des organismes aquatiques, moins répandue, est abordée de manière plus diversifiée, avec des approches dynamiques incluant des processus physiologiques. Ce sont ces modèles qui donnent les résultats les plus proches des mesures lors des comparaisons modèles-mesures. Ils demandent cependant encore à être améliorés et validés. L’état de la modélisation reflète celui des connaissances sur les transferts du tritium, les aspects demandant à être approfondis se rapportant principalement à ses formes organiques. Concernant la toxicité du tritium sur les organismes non-humains, il existe seulement des données relatives à des animaux (invertébrés ou vertébrés). Il n’y a aucune donnée relative à la toxicité du tritium pour des modèles végétaux. Des travaux récents portant sur l’exposition au tritium d’un mollusque marin (Mytilus edulis) au stade œuf et au stade adulte, ont mis en évidence une grande sensibilité de cette espèce à partir de certains niveaux de débit de dose induit par le tritium incorporé : des dommages à l’ADN, dose-dépendant à partir de 13 µGy/h, et des conséquences cytogénétiques (aberrations chromosomiques) non dosedépendantes, de façon significative dès la dose de 1,3 µGy/h. Les effets sur le développement rapportés dans la littérature chez Daphnia magna à partir de 3 µGy/h et s’aggravant au fil des générations, sous-tendent la nécessité de travaux de recherche pour comprendre et quantifier les risques d’induction et de transmission transgénérationnelle d’altérations génétiques. Les débits de dose pour lesquels des effets ont été observés pour ces espèces sont significativement plus faibles que la valeur de 10 µGy/h habituellement considérée comme critère de protection des écosystèmes soumis à une irradiation chronique par des rayonnements gamma. Toutefois, ces niveaux de débit de doses correspondent à des concentrations de tritium dans les milieux nettement plus élevées que cellesobservéesdansl’environnement, y compris autour des installations nucléaires. Au sein des données d’écotoxicité disponibles pour le tritium et contrairement aux données relatives à la toxicité des rayonnements gamma par irradiation externe, ce sont les invertébrés et non pas les vertébrés qui apparaissent les plus sensibles. Il conviendrait donc d’une part de confirmer l’hypersensibilité des invertébrés en élargissant la diversité des espèces testées et, si le cas est avéré, de rechercher les mécanismes spécifiques qui pourraient être mis en œuvre pour expliquer ce phénomène. 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