Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

70 Le tritium dans l’environnement Comportement du tritium dans les algues brunes. Une étude spécifique a été menée entre 2001 et 2004 par l’IRSN (Fiévet, données non publiées) pour estimer les paramètres cinétiques d’échange du tritium entre l’eau de mer et la matière organique de l’algue brune Fucus serratus. L’activité volumique du tritium dans l’eau de mer a été suivie mensuellement à Goury (situé à 5 km du point de rejet de l’usine de traitement de combustibles usés de La Hague), en parallèle avec celle du tritium organiquement lié de l’algue (OBT). Les résultats sont portés sur la figure 5.9. A proximité du point de rejet de l’usine de traitement de combustibles usés de La Hague, les variations des activités volumiques de tritium observées dans l’eau de mer suivent les évolutions des rejets et sont de forte amplitude. Par contre, les variations sont considérablement atténuées dans l’algue. Ceci s’explique par une cinétique plus faible des échanges de tritium entre l’eau et la matière organique de l’algue (pour partie contrôlée par la photosynthèse) comparée à celle des variations brutales des activités volumiques de tritium dans l’eau de mer. Ce phénomène a été observé à Goury pour d’autres radionucléides, comme le 137Cs (Fiévet and Plet, 2003) et le 14C (Fiévet et al., 2006). Le rapport moyen (OBT dans l’algue)/(HTO dans l’eau de mer) est assez proche de 1, mais ce rapport déterminé par des mesures faites à un instant donné peut s’écarter nettement de l’unité, s’expliquant par le déséquilibre induit par les différences de cinétique évoquées précédemment. Une observation attentive du graphique montre par ailleurs que les activités du tritium organiquement lié de l’algue sont légèrement inférieures à celles du tritium de l’eau de mer. Cette tendance pourrait s’expliquer par l’influence des périodes d’exondation de cette algue intertidale, pendant lesquelles des échanges pourraient avoir lieu avec l’eau de pluie ou de l’atmosphère, dont l’activité volumique de tritium serait plus faible que pour de l’eau de mer. Observations sur les côtes britanniques. Le cas de la baie de Cardiff et de l’estuaire de la Severn illustre bien l’importance cruciale de la forme chimique (spéciation) du tritium dans les rejets liquides. En octobre 1998, la revue britannique New Scientist relatait des activités volumiques de tritiummesuréesdansdesespèces marines (poissons plats, moules) dépassant de plus de cent fois l’activité volumique du tritium dans l’eau de mer (Edwards, 1998). Tandis que les valeurs étaient à l’époque inférieures à 100 Bq.L-1 dans l’eau de mer, une valeur de 37 800 Bq.kg-1 frais avait été constatée dans un poisson plat. L’estuaire de la Severn reçoit les rejets de l’usine Nycomed Amersham plc de Cardiff qui synthétise des molécules tritiées pourl’industriepharmaceutique (acides aminés, acides gras, lipides, précurseurs d’acides nucléiques,hydratesdecarbone, prostaglandines, vitamines, stéroïdes, alcaloïdes…). L’usage de ces molécules marquées est d’autant plus efficace que le rapport isotopique T/H est plus élevé. Lorsque ces composés ou des produits intermédiaires se retrouvent dans le milieu naturel, même à très faibles concentrations, ils ont toutes chances d’avoir une forte affinité pour la matière organique, ce d’autant plus s’ils sont hydrophobes. Ils peuvent alors être incorporés lors de l’alimentation des animaux et ainsi, le tritium de ces composés peut se fixer préférentiellement dans la matière vivante, entraînant un facteur de concentration très élevé par rapport au tritium libre (HTO) présent dans le milieu de vie de ces organismes. C’est certainement la raison des valeurs très élevées parfois observées dans certaines espèces marines prélevées dans l’estuaire de la Severn et le chenal de Bristol, où des activités massiques de 6.102 Bq.kg-1 sec, 2.103 Bq.kg-1 sec, et 105  Bq.kg-1 sec ont été mesurées respectivement dans les sédiments de surface chargés en matières organiques, dans les moules et dans les poissons benthiques (sole) (Mc Cubbin et al., 2001; Williams et al., 2001). Les auteurs ont émis l’hypothèse de la formation de matières organiques particulaires par sorption des molécules organiques tritiées de l’eau sur les sédiments fins ou d’une transformation bactérienne au sein du lit sédimentaire de surface. Ces particules sédimentaires seraient alors filtrées par les moules Tableau 5.3 - Concentrations en tritium organiquement lié (OBT) mesurées dans divers organismes marins animaux et végétaux prélevés en 1981 et 1982 dans le Nord-Cotentin. Figure 5.9 - Évolution des activités volumiques du tritium organiquement lié dans Fucus serratus (Bq/L eau de combustion) et du tritium libre dans l’eau de mer (Bq/L) à Goury (données IRSN) Nature Espèce Station Date OBT (Bq.L-1 EC) Algues Fucus Diélette 06/1981 26 ± 7 Fucus Diélette 10/1981 41 ± 8 Fucus Sciotot 06/1981 37 ± 7 Mollusques Patelle Diélette 06/1981 44 ± 7 Patelle Diélette 10/1981 174 ± 3 Patelle Sciotot 06/1981 26 ± 7 Crustacés Homard Flamanville 08/1981 185 ± 7 Homard Flamanville 08/1982 152 ± 8 Poissons Vieille Flamanville 04/1981 174 ± 7 Vieille Flamanville 04/1982 126 ± 8

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