La sûreté nucléaire et la radioprotection en France en 2008
Pour les professionnels
Éditorial
Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France est un enjeu majeur. Pour exercer ce contrôle dans les meilleures conditions, la loi Transparence et Sécurité en matière Nucléaire (TSN) du 13 juin 2006 a mis en place un régime juridique nouveau et a créé l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Autorité administrative indépendante.
L’ASN, dirigée par un collège de cinq commissaires, contrôle l’ensemble du secteur et agit en toute impartialité. Le collège de l’ASN, pour la deuxième fois depuis la parution de cette loi, vous présente le rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2008.
La mission de l’ASN est d’assurer, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France, pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés aux activités nucléaires et de contribuer à l’information des citoyens.
La légitimité et la crédibilité de l’ASN tiennent tout d’abord à son indépendance, fixée par ses statuts et personnalisée par le collège des cinq commissaires : nommés pour six ans, ils sont inamovibles et ne reçoivent pas d’instructions du Gouvernement ni d’aucune autre institution. Cette légitimité tient également aux autres valeurs que respecte l’ASN : la rigueur, celle qu’elle exige de ses agents comme celle qu’elle impose à ceux qu’elle contrôle ; la compétence, avec des équipes formées et qualifiées ; la transparence, avec les outils qu’elle a développés vers toutes les parties prenantes pour écouter et faire savoir.
Après plus de deux années d’application de la loi TSN, l’ASN a naturellement suivi les principes fixés par la loi, mais elle a plus encore véritablement réussi à mettre en place dans la pratique un fonctionnement nouveau avec une forte valeur ajoutée. Le collège définit la politique de l’Autorité. Il prend position sur les questions de fond. Il auditionne périodiquement les dirigeants des grands exploitants nucléaires et rencontre les professionnels du secteur. Il prend les décisions majeures et approuve la politique de sanctions. Il prend ses décisions de manière collégiale, après échange de vues entre les commissaires pour prendre en compte tous les aspects des dossiers.
Les services de l’ASN instruisent les demandes et s’appuient sur l’expertise technique de qualité de l’IRSN. Ce dispositif permet de bien formaliser les décisions qui reviennent à l’ASN et de prendre ces décisions en toute indépendance.
Cependant indépendance ne veut pas dire isolement et l’ASN s’attache à développer ses relations avec les parties prenantes, notamment au travers des CLI et de l’ANCLI. Elle considère qu’il est de son devoir de rendre compte ; ainsi elle présentera ce rapport annuel 2008, comme le précédent, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques et scientifiques (OPECST), émanation conjointe de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Le collège, outre la réflexion stratégique d’ensemble, a souhaité continuer de réfléchir et d’agir sur des thèmes qui vont conditionner son évolution et sa politique et portés par chacun de ses membres : l’Europe, l’international et le positionnement nouveau de l’ASN ; la recherche et la promotion de sujets clés en sûreté nucléaire et en radioprotection ; la transparence et les moyens de donner une information crédible et accessible ; le domaine médical et les moyens de rendre sûre l’utilisation croissante des rayonnements ionisants pour le diagnostic et le traitement ; les modalités du financement de l’ASN liées à son indépendance.
Le nouveau statut de l’ASN a apporté beaucoup à ses actions : des prises de position plus fortes sur les sujets importants, des initiatives nouvelles pour la transparence, des possibilités légales de sanction en cas de non-respect des autorisations et une meilleure gestion des délais avec une capacité de réaction immédiate en cas d’urgence et une approche dans la durée pour les sujets difficiles qui le nécessitent.
L’année 2008 a donc vu la pleine application de la loi TSN du 13 juin 2006, ainsi que l’application de la loi du 28 juin 2006 sur la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Les incidents du mois de juillet 2008 sur le site du Tricastin ont créé une forte attention dans le public, ce qui confirme la très grande sensibilité du thème du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et la nécessité d’une grande transparence. L’ASN salue l’analyse qu’en a mené le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). L’année a été assez satisfaisante au plan de la sûreté nucléaire, mais une action forte a été nécessaire pour que les exploitants maintiennent la rigueur nécessaire. La situation est restée délicate dans le domaine du nucléaire de proximité : les inspections de l’ASN se sont poursuivies, la plupart des établissements médicaux ont fait des efforts réels, mais la situation demeure très hétérogène.
Parmi les éléments marquants de sa politique, le collège de l’ASN a été amené – comme il l’avait annoncé l’an dernier – à prendre publiquement position sur les conditions
de l’implantation de centrales nucléaires dans les pays nouveaux nucléaires. Pour préserver la sûreté au niveau mondial, le collège estime qu’il est indispensable de responsabiliser ces pays et de prévoir une démarche progressive pour constituer dans ces pays une Autorité indépendante. Ainsi, il faut être conscient qu’une quinzaine d’années est nécessaire dans ce cas avant le démarrage d’un réacteur de puissance.
Dans le domaine de l’information du public, l’ASN a décidé de publier à compter de juillet 2008 les lettres de suite de ses inspections des centres de radiothérapie, pour commencer à pratiquer dans le domaine médical la transparence qu’elle exerce déjà dans la sûreté nucléaire.
Un autre signe de la rigueur de l’ASN a été la suspension du chantier de construction d’un réacteur EPR à Flamanville (Manche) compte tenu d’une gestion insuffisante de la qualité. Le chantier n’a repris qu’après trois semaines, après qu’EDF ait mis en place un renforcement de l’application réelle de son système qualité.
En 2009, le collège veillera à développer l’action de l’ASN en gardant les mêmes valeurs.
Les priorités de l’ASN seront les suivantes :
• L’ASN va poursuivre le renforcement de son action pour la transparence et l’information des citoyens. Après la publication depuis 2002 des lettres de suite des inspections qu’elle réalise dans les installations nucléaires, et celle des lettres de suite de ses contrôles d’installations de radiothérapie depuis 2008, elle a pour objectif de publier l’ensemble des lettres de suite d’inspection de toutes les activités utilisant les rayonnements ionisants. En 2009, l’ASN diffusera également les avis des Groupes permanents d’experts sur lesquels elle s’est appuyée pour prendre ses décisions les plus importantes. Ainsi tous ceux qui le souhaitent auront accès aux éléments précis du processus de décision de l’ASN. Plus généralement, l’ASN qui s’applique à elle-même les règles de transparence veillera à les faire appliquer réellement par les exploitants qu’elle contrôle. En effet, la loi TSN rend ces exploitants désormais responsables de la transmission à toute personne qui en fait la demande des informations qu’elle souhaite obtenir.
• Le parc français de centrales nucléaires sera confronté en 2009 à un enjeu majeur : la question de la durée
d’exploitation des centrales, les plus anciennes d’entre elles atteignant 30 ans. Les premiers réacteurs du palier 900 MW, tels que Tricastin 1 et Fessenheim 1, vont en effet connaître leur troisième visite décennale. L’ASN étudiera les dossiers de réexamen de la sûreté de ces installations et les résultats des contrôles approfondis des principaux matériels. Elle décidera ensuite de la poursuite ou non de leur exploitation et, en cas de poursuite, des évolutions à apporter pour améliorer leur niveau de sûreté. Plus globalement, il est important d’anticiper la question générique de la durée d’exploitation des centrales et l’ASN attend de la part d’EDF qu’elle conforte la réflexion sur cet enjeu par des éléments techniques plutôt que par des annonces. Un autre enjeu sera lié à la poursuite du programme nucléaire en France. L’État a annoncé la construction d’un deuxième EPR à Penly (Seine-Maritime). L’État a également reconnu la volonté de GDF SUEZ d’assumer la maîtrise d’ouvrage et l’exploitation d’un futur EPR en France. L’ASN estime que cette hypothèse peut contribuer à améliorer le niveau de sûreté des centrales nucléaires en France, dès lors que le nouvel exploitant disposerait de capacités techniques et financières satisfaisantes – ce dont l’ASN s’assurera – et qu’il pourra apporter des méthodes de travail nouvelles avec une politique forte de sécurité.
• Dans le domaine médical, l’ASN a deux préoccupations. La première est la radiothérapie, qui est une technique médicale bénéfique. Mais les centres de radiothérapie connaissent toujours une période délicate avec une forte pénurie de personnels, en particulier de radiophysiciens (personnes spécialisées en radiophysique médicale ou PSRPM). L’ASN estime que les modalités pratiques de formation de nouveaux radiophysiciens ne sont pas satisfaisantes et que le délai nécessaire pour disposer d’un nombre suffisant d’entre eux est beaucoup trop long. Il va donc falloir gérer pendant plusieurs années une période transitoire délicate, avec l’implication des établissements de soins et de l’Institut National du Cancer (INCa), sous la responsabilité du ministre de la santé. La seconde préoccupation est liée à l’utilisation croissante des rayonnements ionisants pour le diagnostic et le traitement des maladies, qui présente le risque d’une croissance non maîtrisée des doses collectives et qui pour l’ASN doit se faire de manière sûre pour les professionnels du secteur et pour les patients.
• La sécurité des sources radioactives, notamment les sources scellées • qui peuvent donner lieu à des utilisations malveillantes par dissémination ou par irradiation – doit être mieux assurée. Les mesures de suivi et de protection à mettre en œuvre pour cela sont proches de celles qui sont mises en œuvre pour la radioprotection. À l’étranger, c’est quasi systématiquement l’Autorité de sûreté nucléaire qui exerce cette mission. Aussi l’ASN a proposé au Gouvernement, dans un souci d’efficacité, d’être désignée comme autorité compétente pour la sécurité des sources radioactives sous réserve de recevoir les moyens nécessaires et de pouvoir appliquer ses règles de transparence pour informer le public.
• Devant la mondialisation croissante des questions de sûreté nucléaire, l’ASN s’impliquera toujours davantage dans l’harmonisation des règles et des pratiques internationales de sûreté et de radioprotection. L’ASN – qui contrôle le deuxième parc nucléaire au monde, après les États-Unis – veut rester une référence mondiale et a engagé une réflexion sur les moyens de diffuser sa doctrine à l’étranger. Cela implique d’y consacrer beaucoup de moyens, avec la participation à des instances multilatérales (AIEA, AEN, WENRA et ENSREG qui succède au Groupe de Haut Niveau) et avec des actions bilatérales. L’année 2009 sera importante pour la mise au point du projet de directive européenne sur la sûreté nucléaire proposée sous la présidence française et pour la convergence à l’horizon 2010 des différents pays vers les règles de sûreté de WENRA pour les réacteurs de puissance existants. Le partenariat avec nos homologues des Autorités de sûreté se renforcera tout particulièrement grâce à des échanges de personnels avec la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Espagne. Enfin l’ASN répond à des demandes de concours soit d’Autorités de sûreté de pays qui préparent leur accès à l’énergie nucléaire, soit d’Autorités qui souhaitent disposer d’une expertise sur des réacteurs comme l’EPR qu’elles ne connaissent pas.
L’ASN a démontré ces deux dernières années sa capacité à assurer un contrôle renforcé de la sûreté nucléaire et une transparence accrue. Son ambition est d’assurer un contrôle du nucléaire performant, impartial, légitime et crédible, reconnu par les citoyens et qui constitue une référence internationale. Le collège a veillé à affirmer le nouveau statut d’Autorité administrative indépendante de l’ASN. Les personnels de l’ASN ont fortement contribué à cette performance, par leur compétence et leur implication. L’appui technique de l’ASN, l’IRSN, a également apporté son précieux savoir faire et la capacité de ses équipes.
Les enjeux restent très forts pour 2009. Notre stratégie vise à affirmer la primauté des valeurs d’indépendance, de rigueur, de compétence et de transparence de l’ASN, avec deux objectifs très clairs : toujours faire progresser le niveau de sûreté du nucléaire, fournir aux parties prenantes les éléments qu’elles souhaitent avoir pour se faire une opinion sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France.
Date de la dernière mise à jour : 04/03/2024